Elle sentait une chaude létargie s'emparer d'elle. Elle ne ressentait plus le froid contre sa peau fine et délicate, elle sentait à peine l'eau autour d'elle. Ses yeux commençaient à se fermer, sans qu'elle sache pourquoi.
Elle était... Bien.

Une voix lui susurrait à l'oreille des mots doux...
Fait de beaux rêves...
Dort bien...
Laora.

Cette douce voix l'emportait vers les songes éternels. Et Petite Lapine se laissait faire, sans opposer la moindre resistance... Après tout, pourquoi se battre, quand on ne connaît pas l'ennemi ?...

Chut... Endors-toi.
Do... Aïe !

Quelque chose, quelqu'un, une poigne de fer s'était refermée sur son bras fragile, et sa hanche fine. Laora rouvrit les yeux, et commença à se debattre furieusement. Là, elle vit l'eau, noire, glaciale. Puis elle vit le ciel, noir, et qui deversait sa pluie impitoyable. Enfin, une forme floue, qui sa battait contre le courant et la tirait pour la ramener sur le rivage. L'ombre était maigre. Mais elle était forte. Ses cheveux couleurs de nuit suivaient ses mouvements. Laora avait mal maintenant. L'étau autour de son bras et de sa hanche s'était encore resséré. Ses yeux s'embuèrent, et bientôt elle pleura. Elle geignit. Cependant, elle ne cria pas. L'eau lui arrachait ses cris, ses larmes, et son souffle.

Laora avait fini par se laissé faire. Docile, l'hybride s'était laissé traîner jusqu'au rivage. Petite Lapine pleurait encore, mais la pluie et le froid se mêlant à ses larmes, elle finit par se calmer lentement. Son petit coeur battait furieusement contre ses côtes, lui arrachant une légère grimace à chaque battement. Ses oreilles étaient plaquées de part et d'autre de son visage, ses cheveux étaient collés à ses vêtements, qui eux-mêmes étaient plaqués contre son pelage... Lui-même ruisselant. Elle avait ramené ses longues jambes contre sa poitrine, et les entouraient de ses bras maigrelets, cherchant à transmettre le peu de chaleur que'emettait son coeur à ses membres engourdis.

Alors, la forme sombre de toute à l'heure se révéla : c'était une Deux-Jambes jeune, aux cheveux foncés, assez frêle. Mais c'était tout ce qu'elle pouvait deviné avec la faible lumière que dispensé ce... Oh ! une Chose-Chaude-et-Brillante ! Laora n'en avait plus vu depuis la mort du Deux-Jambes aux longues oreilles qui l'avait secourue. Elle se souvenait que grâce à cette chose, elle pouvait se rechauffait, et qu'en plus, elle pouvait eclairer les recoins sombres de la cabane.Mais... La Chose était rougoyante, orangée, d'habitude. Elle progetait des ombres etranges et effrayantes... Cette Chose-là était foncée, plus clair que les cheveux de sa sauveuse, mais pas suffisament pour eclairer les alentours. En revanche, elle rechauffait tant Laora, qu'elle décida de se rapprochait de la Chose bleue. Elle ne pleurait plus, elle souriait, et ragardait le feu avec un mélange de stupéfaction ( de fait, elle n'avait pas vu la Deux-Jambes l'allumer... Mystère... ) et de plaisir immense à se trouver là, sous la pluie, devant un feu bleue et une inconnue.

Alors que ses yeux pétillaient à nouveaux des douceurs sucrées de l'enfance, Laora releva la tête ( sans pour autant reussir à redresser ses oreilles, la pluie les maintenant fermement contre son visage ), et regarda la jeune Deux-Jambes. Petite Lapine se mit à quatres pattes, et, contournant la Chose, elle s'approcha de la Deux-Jambes. Elle la regarda avec toute l'innocence de son enfance, et lui dit, avec une voix légèrement grelotante :

" Zentille Deux-Jambes m'a sauvée ! Soeur ? "

Alors Laora sauta presque sur la Deux-Jambes et caressa de sa joue duveteuse le visage nu de la Deux-jambes, la renversant pratiquement dans le sable boueux !...

Une enfant reste une enfant.

Kaomi l'avait presque soulevée et l'avait posée devant elle, puis elle s'était redressée, et avait semblé chercher quelque chose dans son dos... Aussi, elle paraissait avoir mal. Laora inclina sa tête sur le côté. "Avoir mal"... "Mal"... Une fois, lorsqu'elle était encore avec sa famille de lapin, elle se souvient que de sa patte avait coulé un etrange liquide... La Chose-Chaude-et-Sombre... Ce jour-là, elle avait eu "mal"... La même que sur... sa famille à l'époque. D'ailleurs elle ne comprenait toujours pas pourquoi l'elfe l'avait emmenée, lorsqu'elle avait reniflé sa famille pour les réveiller, ils sentaient encore la vie...

Kaomi avait fini par poser une... chose noir et boueuse. Un vêtement sans doute, mais il semblait lourd. Très lourd. Alors qu'elle le posait par terre, Laora s'en approcha et vit une petite chose brillante. Petite Lapine souleva l'habit sale pour mieux voir cet objet : C'était... étrange. Cet objet ressemblait à une pleine lune; blanc, brillant, rond. Une perle. Avec une sorte de pique pour l'accrocher aux vêtements. Laora attrapa le bijoux et le retourna, le tourna, l'observa, dans tout les sens avec ses petites mains sales, jusqu'à ce qu'elle se pique ! Foudroyée, Petite jeta la broche et retourna près de la Deux-Jambes. Elle regarda sa patte : un minuscule point rouge naissait entre les poils blancs de son pelage. Laora renifla la goutellette, l'observa, la renifla à nouveau; et l'odeur de cette tâche lui rappela...

*La terre partout. Le terrier bouché. Sa mère, son père, ses frères et ses soeurs autour d'elle, mais immobile, et plein de la Chose-Chaude-et-Sombre... Elle renifle : ils sentent la vie, mais ne bougent plus. La terre partout... Il faut sortir... Plus d"air... Mam...*

La Deux-Jambes parla, sortant Laora de son cauchemard.

"Kao... Mi ? Kaomi ! Zolie nom. Moi, ze suis Laora !"

Bien sûr, Laora n'en avait aucune idée, mais l'elfe qui l'avait receuillie ne l'avait pas appelée "Laora" pour des prunes : en elfique, cela signifiait Petite Lapine.

Kaomi posa sa main chaude sur sa frêle épaule, et parla à nouveau. Pfiou... Ce langage était vraiment étrange décidement pour la petite Laora : une intonnation pour les questions ?! Elle avait toujours du mal avec ça, car dans son langage maternel, assez rudimentaire, pour poser une question, il suffisait d'incliner sa tête : simple, clair, précis. Cependant, Petite Lapine comprenait de mieux en mieux ce langage et saisit le sens de la question.

"Oui ! Merchi ! Avant, ze m'étais cachée, et il y avait des bruits ! Des zens qui criaient. Ze suis restée cachée longtemps dans mon trou, et puis silence... Alors ze suis sortie, et ..." Laora s'interrompit et reflechit "L'ô ? L'o..." Elle s'arrêta de nouveau, et repéta plusieurs fois le même son pour se faire comprendre... Vraiment, cette langue était très difficile ! "L'eau ! Oui voilà, l'eau là, bien fraîche pour me laver ! Et puis, z'ai eu chaud, puis Kaomi m'a sauvée ! Kaomi soeur de Laora !"

Toute à sa joie, Laora ria, decouvrant ses deux grandes dents de devant, pour elle, puisque Kaomi l'avait sauvée, c'était une amie. Mais le sens d'"ami" n'existait pas vraiment chez les lapins, elle pensait plutôt à soeur ou frère. Avant, elle avait plein de frères et soeurs, et depuis l'attaque de la bête sauvage, elle ne les avait plus revus. Cependant, elle voulait toujours avoir une grande famille, alors sa deuxième victime n'avait qu'à bien se tenir : l'esprit candide de Laora commençait déjà à l'inscrire dans le registre "Frères & Soeurs"...

Parfois, les Deux-Jambes soufflaient très fort, ça voulait dire deux choses : soit qu'il étaient très contents, soit qu'ils étaient déçus. De temps en temps, Laora trouvait que, finalement, le langage plutôt physique des lapins se rapprochait de cette langue difficile. Certains gestes avaient des significations. Le rire, le sourire, les pleurs, ou des cris pour ne citer que les plus simples, sont de parfaits exemples. Quand Petite Lapine était encore avec sa famille, c'était plutôt : secouer la tête, remuer le nez, baisser les oreilles, ou un petit gemissement. C'était assez rassurant de savoir cela, de pouvoir rapprocher ces deux langues.

Après que Kaomi ait parlé, Laora remua d'abord le nez, puis un sourire se forma sur son visage blanc, et enfin, elle ria. Laora...-nee san ?! Non, non, Kaomi n'avait pas du comprendre son nom...

"Ahahah ! Drôle Kaomi... Pourquoa Laora est Laora-nee san ?" Toujours avec un grand sourir aux lèvres, Petite Lapine poursuivit : " Soeur c'est bizarre ? Alors... Amie ? Amie Kaomi ! Kaomi amie ? "

Dans sa joie, Laora parlait vite, et mal. Un verbe ? Pourquoi donc ! Quel intêret ? Chez les lapins, chaque chose avait un nom, on le disait, on savait quel était son sens. Décidement, cette langue était difficile. Malgré l'aide de l'elfe, son niveau valait toujours celui d'une fillette de 4 ans.

Elament... Minute de reflexion intense.
Porte...
Chateau...
Ruelles...
Maison de Sanchara...
....
Bingo !

" Oui oui ! " Laora sautillait sur place, à quatre pattes. " Zentille Zanchara emmener à Elament. Mais ze l'aie perdue... Elament... Grand, très grand village. ... Hum, é-cô-le ? Dôr-to-ar ? C'est quoa ?"

Jamais elle n'avait mis les pieds dans une école... et elle en savait autant sur les dortoirs que sur les écoles. Comme à son habitude lorsqu'elle reflechissait, Laora inclina sa tête de côté, les yeux grands ouverts. Elle avait tant de choses à découvrir... Maintenant qu'une paix relative s'était installée sur la Cité, elle pourrait s'épanouir en toute liberté... Ses beaux yeux verts pâles se confondaient presque dans son pelage humide, ses pattes étaient boueuses, et sa petite queue aussi. D'ailleurs, elle remua ce petit appendice cotonneux qui commançait à la gretter. Elle essaya à nouveau de redresser ses oreilles... Râter, la pluie et l'eau les plaquaient contre son visage, et les "muscles" ( si l'on peut les appeler ainsi, étant donné leur force ) de ses oreilles étaient bien trop faibles. Elle ne poussa pas de soupirs, Laora remua mollement son nez en signe de mécontentement... Encore un rapprochement entre les deux langages.

Avec une expression amusée, Kaomi commença à marcher dos au lac, pour prendre la direction de l'école, ce grand bâtiment qui même dans cette sinistre météo se distinguait parmi l'horizon. Elle entraîna de ce fait la petite lapine sur ses talons ainsi que ses flammes artificielles qui dansaient dans l'air insouciant.

Le chemin ne serait pas long, il faudrait ensuite intégrer l'enfant auprès de l'administration ... Peut-être Kaomi devrait-elle rester pour s'occuper de toutes ces passionnantes formalités ?
Tandis que les deux jeunes filles descendaient vers la grande cour, Kaomi se trouvait en face d'une question plutôt difficile à laquelle elle n'arrivait pas à donner de réponse... C'est quoi la magie ? Est-elle en moi ?
C'est possible que ce qu'elle était même soit magique, mais par rapport à qui dans ce cas ? Pour elle, la nature était aussi magique que les pouvoirs des éléments, et pourtant la magie allait contre la nature ...

Haussant les épaules alors que son visage était caché un instant par l'ombre d'une arche, l'ange répondit sans trop hausser la voix.


" La magie ça doit être tout ce qui nous entoure et qui défit les lois de la nature. Par exemple, un feu ne peut pas apparaitre sans raison dans les airs et ne pourrait pas tenir sous la pluie, puisque l'eau éteint le feu ... Sauf s'il est magique ... "

Voila l'esquisse de réponse qu'elle avait tenté de donner en simplifiant le plus possible les termes utilisés. A titre d'exemple, elle avait désigné d'un geste nonchalent de la main le feu qui les suivaient toujours à distance raisonnable pour les envahir d'une chaleur agréable sans les soumettre aux brûlures meurtrières de la consumation de l'oxygène.
Ce ne devait pas être loin de la vérité de toute manière, d'une manière plus philosophique, il aurait été également juste de dire qu'il s'agissait là d'un mot inventé par ceux qui n'avaient pas la magie pour définir ce qu'il ne comprenait pas et ne pouvait pas concevoir, au même titre que la religion ou le paranormal.

Il restait une deuxième partie à la question, mais Kaomi en avait déjà entamé la moitié en désignant ses flammes. Maintenant, Laora avait-elle la capacité de défier les lois naturelles par simple volonté ? Kaomi ne l'avait pas vu une seule fois utiliser ses pouvoirs depuis qu'elle l'avait rencontrée mais ce ne voulait strictement rien dire étant donné son enfance.
Un sourire étira ses lèvres bleuies par le froid et elle reprit.


" Laora est sûrement magique, puisqu'elle est hybride lapine et humaine, non ? Je suis hybride moi-aussi ! C'est déjà une forme de magie ... "

Les portes de l'école se présentèrent à elles ... Kaomi posa le dos de sa main sur le symbole Igni avant d'entrer dans le hall en y invitant chaleureusement Laora.