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 Découverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael)

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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyVen 17 Aoû 2007 - 17:56

Lossehelin marchait d'un pas vif mais pourtant plus discret qu'un loup, déambulant sans un bruit dans les rues de la cité. Etrangement, se retrouver seul au milieu des ruelles sombres d'Elament ne lui posait plus de problème. Sans doute avait-il mûri, depuis les évènements qui avaient marqué son adolescence…
Non, ce n'était pas vraiment ça. Mais son soudain regain d'assurance venait d'une pensée toute raisonnable : à Elament, on n'était désormais plus en sécurité nulle part. Les ruelles, par leurs ombres, cachettes et leur caractère de labyrinthe, devenaient à présent un refuge… Et en quelques semaines, Lossehelin avait appris à les connaître. Il s'y retrouvait sans problème.

Lorsque la bataille avait commencé, Loss avait préféré jouer la carte de la prudence : il s'était caché. Quelque part dans les ombres des rues d'Elament, il était resté terré plusieurs jours. Il savait que des démons étaient parvenus à entrer dans la cité : il en avait tué un. La chance avait joué en sa faveur et il l'avait repéré avant que celui-ci ne le voie. Son acte n'avait été qu'un réflexe pour protéger sa vie, mais il restait tout de même choqué d'avoir eu la force nécessaire à ce geste. Il lui en restait toujours un goût âcre dans la bouche. Mais c'était la guerre, il n'y pouvait rien. Alors, il attendait que ça passe…
Et puis, sans qu'il sache si c'était un bon signe ou non, les échos de la bataille s'étaient dissipés. Sans qu'il sache si les démons étaient en déroute, ou si la maigre ligne de défense d'Elament avait cédé. La deuxième option était malheureusement la plus probable : les habitants d'Elament étaient des élèves et des marchands, pas des soldats. Mais il gardait espoir.
De toutes façons, il ne pouvait pas rester indéfiniment dans ce trou.
Alors lorsqu'il avait senti l'accalmie, lorsque la fureur des combats avait cessé de parvenir à ses oreilles d'elfe, il était sorti. Et il s'était rendu là où il voulait aller lorsque les rumeurs de la bataille l'avait enclin à s'en éloigner.
La Tour des Vents.

C'est donc d'un pas alerte qu'il se dirigeait vers la Tour des Vents. Tout en se disant qu'y aller était stupide et qu'il était sans doute inutile de prendre de tels risques, il avançait au milieu des rues désertes.
C'était idiot mais la vision de cet oiseau de lumière, la voix de l'ange, le souffle de magie qui l'avait atteint, tout cela restait ancré en lui malgré tout. Alors…
Peut-être son ange était-il mort dans la bataille. Au vu de son état lorsqu'il l'avait quitté la dernière fois, ça n'aurait rien eu d'étonnant. C'était brutal à dire et puant de désillusion adolescente mais c'était la vérité.
Mais il voulait savoir.
Enfin… surtout, il voulait le revoir. En vie, si possible. Mais après tout, il avait survécu aux blessures infligées par le Chacal… Rien n'était impossible.

Gravissant les arches de la Tour, Loss sentait son ventre se nouer. De peur de reconnaître un cadavre. Les marches de pierres étaient éclatées, couvertes de sang, jonchées de corps sans vie enfermés dans leurs armures, parfois la main encore serrée sur une épée…
C'était vraiment stupide. Si Archael était en vie, il ne serait pas resté au milieu de ces cadavres. Ce n'était que folie de monter là-haut…
Lossehelin déglutit, et reprit son ascension.

Lorsqu'il atteint l'air libre et que le ciel bleu s'offrit de nouveau à sa vue, Loss était essoufflé et son estomac était broyé, par l'angoisse et l'écoeurement. Il jeta un regard empli de dégoût, de tristesse et d'une pointe de colère sur les corps qui s'étendaient à ses pieds. Victimes d'une folie qui n'était pas la leur…
Mais parmi eux, pas d'aile translucide, pas de cheveux couleur de lune. L'ange n'était pas là.
Cela ne voulait rien dire, pourtant l'elfe sentit un léger poids s'élever de ses épaules. L'ange ne faisait pas partie de tous ces corps sans vie…

Il resta immobile parmi les chairs, le sang et le métal froids durant un long moment. L'odeur de la mort emplissait ses poumons et son esprit se dérobait au présent. Maintenant que l'angoisse était partie, l'ambiance rattrapait l'adolescent trop fragile.
Il n'aurait pas dû monter, il le savait. Le sang sous ses pieds se faisait soudain présent, la mort avait fait sienne ce lieu.
Sans vraiment savoir à quoi il devenait si réceptif, Lossehelin tituba un instant, s'agrippa à une corniche encore debout et se laissa glisser contre elle. Assis sur le sol souillé de pourpre, il ferma les yeux, soupira.
Mal à l'aise.
Mal au cœur.
Il avait besoin d'air, mais pas un seul souffle de vent à l'horizon.
Il était seul, perdu. Un enfant dans un monde qui lui échappait…
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Archael
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyMar 21 Aoû 2007 - 8:33

Quelque part dans les ruelles, un homme marche, lui aussi.

Il est vêtu de gris, un vêtement informe qui a dû être une cape. A présent, ce n'est plus qu'un haillon déchiré par le fer et noirci par la magie. Son bras gauche en écharpe - déchiqueté par un éclair de magie noire - et les nombreux bandages qui le recouvrent montrent par quoi il est passé - comme tous les habitants d'Elament. Sa marche trahit la lourde fatigue qui l'habite, de corps et d'âme.

Comme un automate, il avance en trébuchant et sans trop savoir où il va. Il marche comme s'il essayait d'échapper à la désolation qui règne autour de lui. Il cherche un endroit qui ne pue pas la mort, qui n'est pas teint de sang. Ne plus entendre des râles de blessés et de mourants, ne plus respirer cet odeur écoeurante des carnages. Il avance, mais rien, rien ... toute la Cité est en proie au chaos, partout la guerre a laissé ses horribles traces. On étouffe ... alors il continue, il va, droit devant lui ...

Est-ce vrai?

Son regard morne se pose sur les monceaux de cadavres et les ruines accumulées, sur les arbres arrachés et les nuages de poussière. Parfois, les yeux fatigués se lèvent vers le ciel, dans une interrogation pleine de lassitude.

Est-ce bien fini?

Cet orage de luttes et de violence, où se mêlent la peur et la souffrance? Cette interminable nuit où pendant une semaine entière, le soleil ne s'est pas montré? Cet enfer hurlant et déchainé, où le monde lui-même semblait toucher à sa fin?

Il ne veut pas encore penser à tout ce qui s'est passé pendant cet interminable cauchemar. Le souvenir est pourtant gravé en lui, ineffaçable. Les nuages constellés de feu, le hurlement de la bataille, l'attente à guetter la mort qui vient du ciel ... les cliquetis des armes, le masque grimaçant et horrible des Démons ... les brèves accalmies, juste le temps de manger à la hâte ou d'assister un ami qui va mourir, avant de retourner déchaîner la magie, hurler, se battre dans la tempête.

Plus tard peut-être, il s'en souviendra. Quand le Temps, ce grand médecin, aura adouci la cicatrice, il se souviendra et acceptera. Mais pour l'instant, il refuse d'y penser.

Quel silence ...

Hier encore, c'était le chaos, c'était la tourmente. Aujourd'hui, c'est un silence de fin du monde.

Le soleil est revenu. Sa chaleur de plomb assome la Cité. Mais nul ne réalise encore quand tout est fini. Tous tournent en rond, hébétés, incapables d'entreprendre quoi que ce soit. Elament entière est plongée dans la stupeur. Les hommes errent, mornes, mais trop épuisés pour pleurer. Ils comptent les morts, regardent leur Cité saccagée. Et repassent dans leur esprit tous les actes du drame ...
Mais aucun n'avait tout vu. Ils n'avaient eu qu'une vision partielle des choses, et se répétaient le reste à voix basse. Lui, de sa Tour, a tout contemplé, pendant que son esprit se répandait autour du pilier de pierre, pour déchaîner la colère de l'orage et participer à la fin de la guerre ... tant de morts, tant d'acteurs souvent tragiques, tant de drames. Tout s'est gravé au fond de son coeur. Comme une brûlure au fer rouge.

Layna Timerta est morte.
Pour le salut de sa Cité, elle a affronté le plus terrible des assaillants, le plus terrible démon de cet ère, Apharez Sycan. Comme une reine, elle a marché vers son destin, parce qu'elle savait que c'était le seul moyen. Elle savait qu'elle n'avait aucune chance de vaincre - tout au plus d'emporter son adversaire dans la tombe. Elle s'est battue jusqu'au bout, et dans l'obscurité on aurait cru entendre un combat de Titans. Tous, des deux camps, nous nous sommes arrêtés de nous battre, terrifiés devant l'orage de lumières qui tonnait devant la Cité. Nous savions que le dieu et le diable qui se battaient ne s'arrêteraient pas - que nul ne pouvait les arrêter. Quand l'éclair immense a déchiré le ciel et que la terre a tremblé, nous avons su que tout était consommé. Elle était morte, toute seule. En vérité, telle une déesse elle a été, la jeune femme qui fut l'âme d'Elament.

Naciniah est partie.
Pendant toute la longue nuit, devant la Porte d'Elament elle a scintillé, l'Elfe aux vêtements de soleil. Longtemps, elle a brillé, brillé, brillé, l'étoile rouge qui réchauffait les coeurs. A la fin de tout, c'est encore elle qui a donné aux nôtres l'espérance, sous la forme d'un Phénix flamboyant qui a embrasé le ciel et sonné la victoire d'Elament ... Et puis, quand tout a été fini, quand elle eut donné toute la lumière dont elle était capable ... alors elle s'est laissée emmener par ceux de son peuple venus la chercher pour l'emmener loin d'ici, chez elle, où elle pourra enfin se reposer. Elle toujours si forte, elle était désormais si fragile, comme une bougie qui a brûlé trop longtemps ...

Ruby a disparu.
Nul ne sait ce qu'est devenu le Professeur de l'Eau. Nul ne sait non plus ce qui s'est passé exactement. On avait dit que la démence l'avait prise au milieu de la bataille, puis on l'avait dit morte ... Et pourtant, elle était revenue, il y a quelques heures, car même la mort n'avait pu la dompter. Et elle n'était pas seule. Des quatre coins de l'horizon, on avait entendu les hurlements, on avait vu venir l'armée des seigneurs gris, les Loups aux crocs acérés. La vague immense de centaines, de milliers de loups, menés par une petite silhouette qui n'était plus blanc de perle, mais rouge de sang. Elle était passée, et elle avait tout balayé. Mais depuis, nul n'avait revu Ruby, et lui ne veut pas la revoir. Pas encore.

Lay-Ing a trahi.
Trahi comme ont trahi Raziel et bien d'autres. Ils sont partis avec les démons, abandonné et renié leur cité et leurs pairs. Ils se sont souillés sans crainte, sans remors, sans honte. Si ce n'est pas la perte la plus cruelle, c'est l'une des plus dures à accepter. Elle laisse un goût amer dans la bouche, un goût de cendres qui monte aux lèvres. Les Dieux sont-ils si cruels pour jouer ainsi avec les hommes?

Il faudrait tout conter à présent.
Il faurait conter Jehan, tué au combat, Wilwarin tombée du haut des murailles en une chute de trente mètres, Silwë empisonné, Kaashid et Saya, amis perdus ... Il faudrait conter Hageen le Fort, frappé dans le dos, tombé sous la lame d'un lâche ... je devrais dire la bravoure de Chilk, déchaîné et hurlant au milieu de la bataille, regroupant une troupe autour d'une modeste bannière déchirée, pour rien, juste pour l'honneur, juste pour la légende. Je devrais chanter Lilian, violée sur les berges du Lac ; et Lumen des Ignis, qui tenta d'arrêter Alouqua sur la muraille - il tomba, le héros, et son armure brisée fut tachée de son sang ... chanter Althys affolée, forcée de combattre l'ennemi à l'extérieur et à l'intérieur d'elle-même, les démons entrant dans la ville, les femmes du quartier nord livrés aux Succubes et Incubes, l'enfant de deux habitants jeté aux goules et dévoré vivant. Je devrais chanter cette Cité si belle devenue un bûcher ...

Je devrais chanter cette longue nuit-là, mais je ne suis qu'un homme. C'est aux Muses de chanter, si elle le peuvent, une pareille nuit de douleur et je ne la chanterai pas.

On étouffe ...

L'homme marche. Le voilà au pied de la tour, et un pauvre sourire passe sur ses lèvres. Il aurait dû s'en douter. Tout en lui l'attire vers le ciel et vers cette Tour des Vents d'où il a vu toutes ces choses. Là-haut, il y a encore beaucoup de cadavres ... lui est encore en vie - pourquoi? Là-haut, il se devait d'être au premier rang, il avait été souvent le premier ciblé par les démons, affaibli par les blessures reçues de Chilk peu auparavant ... et pourtant, il s'en était tiré. Dieu seul sait pourquoi.

Tout cela, c'était hier. Et demain? ... demain, il faudra se remettre au travail. Retrouver Métatron qu'on disait vivant, discuter de l'avenir avec lui et les quelques autres aptes à reprendre le flambeau. Panser, guérir. Acceper les responsabilités que vous imposait le simple fait d'avoir survécu. Reconstruire la Cité, permettre à la vie de continuer, encore un jour, puis encore un ...

Demain ...

Oui, demain l'heure sera à l'action. Mais pour quelques heures encore, tous veulent être seuls, le temps de sortir de leur torpeur. Seuls les médecins s'occupent des blessés ... il a vu Lorelaï de loin, tout-à-l'heure, il a envoyé quelqu'un lui dire qu'il était vivant. Il ira la voir demain, elle aussi ... mais avant, il montera encore une fois cet escalier, jusqu'au sommet où tant des siens reposent de leur dernier sommeil - ses élèves, ses compagnons, les autres Fils du Vent, ses Aeras ... Ce soir, il veut les revoir, encore une fois.

Il sait bien qu'aucun de ceux qui sont là-haut n'a survécu. Il s'en est déjà assuré hier, dès que les Démons se sont repliés ... les survivants sont immédiatement redescendus, lui est resté. Il le sait: là-haut, il n'y a plus que la mort. Mais c'est comme s'il espérait encore, comme si un fil invisible le guidait, marche après marche ... encore trois, et il sera au sommet. Encore deux, encore une. Il y est. Alors soudain, il s'immobilise, comme pétrifié.

Là-haut, il y a quelqu'un.

Un adolescent tout frêle, presque un enfant. Le soleil qui penche à l'horizon, éclaire ses cheveux pâles et ses yeux clos. Il est appuyé contre la pierre, les bras autour des genoux.

Alors, sans qu'il sache pourquoi, une grande douceur inonde leur coeur de l'homme. Il n'ose pas faire un mouvement, de peur que le songe ne vole en éclats. Il n'a pas reconnu Loss, dont il ne connaît que le nom et la voix. Cet elfe si mince, c'est la première fois qu'il le voit. Et pourtant, le long du visage pâle de l'homme, creusé, fatigué par la veille et les luttes ... quelque chose coule doucement. Quelque chose qui s'exprime enfin, sans amertume, sans colère. Sur les joues de cet homme qui s'apelle Archael, ce qui coule, ce sont des larmes.

Les premières depuis bien longtemps.
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyMar 21 Aoû 2007 - 20:12

[HJ : On se sent petit face à tes romans tu sais? Bref… J'ai mal au poignet >.< Et oui, c'était juste pour me plaindre.]

L'elfe resta longtemps immobile, assis sur le sol froid, le dos contre la pierre rugueuse. Combien de temps? Qui pouvait le dire. Suffisamment pour que l'ambiance de la Tour s'imprègne dans chacun de ses pores, pour que la mort qui recouvrait le lieu ne lui enserre plus la gorge, ou du moins, pour qu'il respire trop faiblement pour ressentir cette pression. Un esprit inattentif aurait pu le croire mort, perdu dans les cadavres, le sang, figé parmi l'immuable. Pourtant l'air emplissant lentement ses poumons, son sang coulait doucement dans ses vaines.
On aurait pu croire qu'il se recueillait parmi les morts, mais il ne s'agissait pas de cela. Lossehelin ne connaissait aucun des cadavres qui lui faisait face et il aurait jugé cela trop facile et hypocrite de pleurer ces morts sans rien comprendre de la douleur que pouvaient endurer leurs proches. Il préférait ne pas ce mêler à cette douleur.
Non, Lossehelin s'était simplement soigneusement enfermé dans son monde. Barricadé en lui-même, il était complètement oublieux de tout ce qui l'entourait. Ces corps, cette atmosphère ne l'atteignaient plus, il en faisait partie et l'air chargé des odeurs morbides faisait en un sens partie de lui, de fait il ne les ressentait plus. Quelqu'un aurait pu venir, il ne s'en serait pas rendu compte. Tout était calme, si calme.

Si calme… Il en devenait étrange de songer qu'il n'y avait pas longtemps résonnait encore ici la fureur des combats. Dans l'état dans lequel s'était plongé Lossehelin, il aurait pu croire que tout cela n'avait été qu'un sombre rêve, et que lorsqu'il ouvrirait les yeux, ça aurait disparu.
Mais en un sens on pouvait dire que son cauchemar remontait à bien plus longtemps… Tant de morts en rappelaient une, bien plus douloureuse pour l'elfe. Et inconsciemment, il ouvrit les lèvres pour laisser échapper un mot. Un nom, un souffle léger, presque inaudible.

"Arcamenel…"

Lossehelin ne savait pas pourquoi son professeur l'avait laissé. Sa disparition manquait tout autant de raison que celle de tous ceux qui se trouvaient autours de lui. Mais en son cœur l'impact était bien plus cruel.
Pour autant, il n'avait pas le droit de se laisser aller ainsi. Les paroles d'Arcamenel restaient tout aussi présentes à sa mémoire qu'au premier jour.
"Ne cesse jamais de sourire. Garde toujours quelques braises de joie en ton cœur que tu puisses rallumer à tout instant. Car même s'il ne subsiste qu'une simple flamme, elle brillera en toi, et les gens verront…"

Telle une bulle qui remonte doucement à la surface et éclate en arrivant à destination, Lossehelin revint, peu à peu, à la réalité. Les temps passe, et ne s'efface pas. Il s'habille de joies et de douleurs qui s'estompent parfois, remplacées par d'autres…
De nouveau la chaleur, l'odeur de sang et de fer, la lourde atmosphère, tout l'atteignait, mais une différence restait. Une force au plus profond de lui qui lui permettait, quoi qu'il arrive, de sourire. Cette étincelle que lui avait laissé Arcamenel en partant. Son cœur semblait s'ouvrir, repousser l'air épais qui l'entourait pour le remplacer par un léger courant frais. Il n'en avait que peu conscience, n'aurait jamais cru qu'il puisse en être à l'origine. D'ailleurs, ce courant d'air n'était qu'une illusion, une simple sensation de réconfort, n'est-ce pas?...

Toujours immobile, l'elfe ouvrit de nouveau la bouche, et sa voix s'éleva dans les airs.
Lossehelin n'avait pas pour habitude de chanter souvent. C'était même plutôt l'inverse. Mais il semblait que, ces derniers temps, les moments où il laissait ainsi sa voix résonner dans les airs s'enchaînaient. Ici, chaque jours ou presque avait eu son lot d'événements. L'hymne des âmes pour l'ange, et à présent…

Silhouette envahissante…
L'oiseau, le noir du ciel clair
Tu observes
Sans un geste…
Le touché de tes plumes sur mon visage*…

Une vieille berceuse que lui avait appris sa mère. Pourquoi chantait-il cela à cet instant? Tous ces défunts autours de lui auraient rendu l'hymne des âmes légitime. Sans doute était-il égoïste de sa part de se contenter de se rassurer lui-même. Mais après tout, il avait été égoïste dès le début.
En venant fouler ce sanctuaire.
En ne participant pas à la bataille. En restant caché alors que tant de vies étaient arrachées. En demeurant protégé tandis que tous risquaient leurs vies, les perdaient, les prenaient.
Oui, il avait été égoïste.
Non, il ne regrettait pas de l'avoir été. Il avait tenu sa promesse : ne pas s'engager dans cette guerre. Elle n'avait eu aucun sens, et personne n'en était sorti vainqueur. Nul cri de joie n'était parvenu à ses oreilles. Lorsque les échos de la bataille s'étaient effacés, il n'était plus rien resté que le silence.
Silence en cet instant rompu par sa voix qui continuait de s'élever.

Il ouvrit les yeux, redressa la tête. Rien n'avait bougé. Le sang et le fer restaient figés.
Il lui fallut un certain temps pour apercevoir l'ange, debout face à lui. Aussitôt, sa voix mourut dans sa gorge. Le choc de cette présence lui avait fait l'effet d'une gifle.
L'ange était vivant.
L'ange était blessé, mais il vivait.
L'ange était devant lui, au milieu des corps sans vie.
Et l'ange pleurait.

Lentement, l'elfe se redressa, et se mit debout. Du sang avait taché ses vêtements, ses bras étaient engourdis, mais il n'en avait même pas conscience. Il resta ainsi un instant, toujours sous le coup de la surprise de voir, finalement, celui qu'il était venu rejoindre.
Son sourire s'agrandit et un très léger courant d'air vint soulever ses cheveux fins, puis l'elfe s'approcha légèrement d'Archael.


"Ainsi, vous êtes en vie. Vous êtes quelqu'un d'exceptionnel, pour avoir survécu à ce combat puis à cette bataille…"

Sans chercher à comprendre pourquoi, Lossehelin sentait son cœur battre légèrement plus vite. Sans doute était-ce parce qu'il reprenait un rythme normal, après s'être ralenti si longtemps. Ou bien était-ce par peur de ce que l'ange n'allait pas manquer de lui demander : qui était-il, pourquoi l'avait-il aidé, et veillé, qu'est-ce qu'il faisait ici.
Ou bien était-ce tout simplement parce que l'ange était vraiment un être spécial. Il n'y avait qu'à voir les émotions qu'il lui avait fait ressentir, dès son premier jour dans la cité. Sa puissance rayonnait autours de lui, et même Lossehelin, qui n'était pourtant pas véritablement éveillé à ce contact, pouvait ressentir la magie qui émanait d'Archael. Cette puissance aussi rassurante que terrifiante… Lossehelin déglutit, mais sans se départir de son sourire.


"Je suis monté… professeur Archael"


[*Paroles de Tragedies-Seimei, OST de Loveless]
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyVen 24 Aoû 2007 - 13:51

Au Temps ce passé mort qu'il répare et pardonne
Au Temps cet avenir que nul ne peut scruter
...
A nous l'heure qui fuit aussitôt qu'elle sonne
Mais qui contient l'Eternité.


- Chroniques de Jovanni -




On aurait dit que le vent attenait cet instant.

Depuis la fin de la bataille, il s'était tu. Quand la Tornade déclenchée par les Aeras s'était éteinte, après avoir déchiré le ciel, le vent semblait avoir fui Elament. Telle une lourde chape de tristesse, un calme plat était tombé sur la Cité meurtrie. L'air était lourd, englué de puanteurs. Odeurs de sang, de cadavres, restes soufrés de magie noire, traces de fumées noires ... tout cela flottait, irrespirable. Pas un seul souffle d'air ne s'était fait sentir. Le ciel reflétait-il la lourde tristesse et la lassitude des coeurs?

Et puis soudain ... quelque part au sommet de la Tour, il s'était réveillé. On a tort de penser que ce sont le plus forts qui ont le plus d'influence sur les vents. L'Air n'est pas un elément comme les autres. Ce qui importe pour contrôler cette magie, ce n'est pas la puissance, mais la pureté. Et en même temps que cette grande lumière qui s'allumait dans le coeur de Loss, quelque chose s'est mis à souffler. Une brise fraîche et légère, l'odeur du printemps avant que les bourgeons n'éclosent. Pas de senteurs, pas d'odeurs, juste un air sain et frais, comme une brise de montagne. Elle purifiait enfin cet air empoisonné, elle portait la vie et le renouveau, lumineuse comme un premier sourire.

"Arcamenel ... "
Ce nom, il ne le connaît pas. Mais à la voix, aux notes légères de la chanson, il a reconnu Loss. Il se souvient l'avoir entendu, pendant sa longue convalescence où il ne pouvait pas encore ouvrir les yeux. Muré dans sa forteresse de silence et d'amertume, il avait souhaité ne jamais s'être réveillé. Avec cet affrontement contre Chilk, son destin s'était brisé. Il avait survécu, par pur hasard, mais quelque chose était mort en lui.
Et pourtant, chaque soir, quelqu'un s'installait tranquillement près de lui, et chantait à mi-voix. Alors l'amertume le quittait, pour un court moment où il se sentait presque paisible. Sans vouloir se l'avouer, il en était venu à désirer ces moments, à les aimer même. Et plus tard, c'était encore cette chanson qui l'avait sauvé, car ... si Lorelaï avait guéri son corps, cet inconnu avait soigné son âme.

Il s'avance vers Loss. Pour la première fois depuis des jours, il parle de lui-même. Sa voix est rauque, encore cassée d'avoir crié dans la bataille. Pourtant, depuis longtemps, elle n'a pas contenu autant de paix.


"Vois-tu mes mains?"

Tendues, l'Ange montre ses deux paumes. Elles sont bien abîmées, ces mains blanches. Tailladées, meurtries, brûlées par les éclairs et couvertes d'ecchymoses. Et sourtout, elles sont vides, privées à jamais de la peau glacée d'une jeune femme faite de givre. Privées aussi du contact de la harpe de cristal, si chère à l'Ange et brisée là-bas à la Fontaine, en millions d'éclats stellaires.

Si certaines blessures ne se voyaient pas jadis ... elles se devinaient, en les voyant se crisper sur le drap blanc du lit. Là-bas, dans l'infirmerie toute blanche, dans les élires de l'inconscience, elles touchaient parfois sur la main chaude de Lorelaï ... hésitaient ... puis la lâchaient, comme déçues. Alors, elles se crispaient sur le drap, pleines d'amertume. Refermées seulement sur le vide et le désespoir.


"Je pensais que j'avais tout perdu ..." poursuit-il à mi-voix. "Quand cette tour était au milieu de l'ouragan, je pensais que plus rien n'avait d'importance, même le goût et l'énergie de vivre. Mais les notes de ton chant m'ont poursuivi et m'ont gardé debout. Si je suis encore en vie aujourd'hui, c'est à toi que je le dois."

Il n'a rien dit de plus, ni posé de question. Mais lentement, l'Ange courbe sa tête blanche. Face à elle, il n'y a qu'un jeune adolescent, un enfant presque, un magicien novice - mais devant lui, cette tête qui n'avait pas plié pendant la longue nuit de tourmente, elle s'incline et rend hommage.

Car sur cette même tour, quelques heures plus tôt, la bataille faisait rage. Dans ce même ciel, alors couleurs d'encre, les Dragons tournoyaient et semaient la mort. Sur cette même pierre où se tient Lossehelin, se tenait un terrible adversaire. Face à l'Ange épuisé, Lay-Ing Lullaby venait de se dresser. Leur combat avait duré longtemps, très longtemps. Et ce qui l'avait empêché de succomber, ce n'était pas le devoir. Alors qu'il se battait, son esprit n'entendait plus le fracas de cette guerre absurde, mais juste une voix qui chantait. Faible, fragile, à peine audible quelque part dans le passé d'une chambre toute blanche ... mais elle l'avait guidé. Un file d'Ariane à travers le labyrinthe de la guerre, jusqu'à ce jour où la brise caressait le sommet d'Elament.

Lentement, Archael s'assied sur un bloc tombé et effleure la pierre des doigts. L'espace d'une seconde, il sent toute la Tour des Vents qui se réveille, gigantesque orgue parcouru par le chant du ciel. Est-ce Loss ou lui-même qui redonnent vie à ce sactuaire déserté par sa magie? Tsss, quelle prétention. Le Monde n'obéit pas à ceux qu'il a créés. Mais peu importe la raison : le vent souffle à nouveau. Il est sorti de sa torpeur, avec l'ange avec lui.

On lui parle. Il regarde Loss - et ses yeux de lapis-lazuli sont étrangement clairs. Avec lui, il n'y a pas cette gêne qu'il ressent avec Lorelaï, ou avec d'autres femmes qui lui rapellent trop Ruby. Pas ce tourbillon de sentiments qu'il a du mal à analyser et qui le fait souffrir. Pas non plus le souci des choses graves, comme avec Métatron qu'il devra retrouver cet après-midi. Tout est tranquille, clair comme un matin de montagne.


"Je t'avais envoyé un message avant ... cela, mais il s'est passé tant de choses que je ne m'attendais pas à te rencontrer ici."

Tout-à-l'heure, ils parleront peut-être de choses sérieuses, ils se souviendront des morts. Ils conteront leurs passés et songeront à l'avenir. Peut-être! Mais ... écoutez!

Là en-bas, une cloche sonne. Après ce cauchemar interminable, la vie se remet en marche. Si on oublie les morts, c'est une journée comme d'habitude, où les cloches de l'école marquent le milieu de journée. Ce "comme d'habitude", c'est quelque chose de très bienfaisant, après tout ce qui s'est passé. Alors ce qui vient aux lèvres, ce sont les choses toutes simples.


"Où manges-tu ce midi?"

Pourtant, avec cette petite phrase tout à fait banale, il y a eu un détail. Un détail qui dans la tête d'Archael, fait passer une question en queue d'étoile filante. Depuis combien de temps n'avait-il plus souri?
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyVen 24 Aoû 2007 - 22:33

Le sourire de l'elfe avait beau être sincère, il était à peine suffisant pour dissimuler l'angoisse qui lui serrait les entrailles. Oui, il était heureux, simplement heureux de voir l'ange en vie. Mais à présent, le voir face à lui était source de peur plus que de joie. Car enfin, il ne savait rien de cet homme. Il ne savait pas qui était l'être dont les larmes coulaient lentement. Et c'était effrayant ; car l'elfe était habitué à déchiffrer rapidement les intentions des gens qu'il côtoyait. Il avait toujours été prompt à se faire une idée des personnes qu'il croisait ; en un regard, il se forgeait son opinion et réagissait en conséquence. Or, là, il ne savait comment agir. Alors il se cachait derrière un masque d'assurance, comme il avait appris à le faire. Mais il était sûr que l'ange qui s'avançait vers lui n'était pas dupe.

"Vois-tu mes mains? "

Lossëhelin s'arracha à sa contemplation tourmentée de l'ange pour poser ses yeux sur les mains qu'il lui présentait. Il hésita. A ses oreilles, ces paroles, prononcées pourtant sur un ton doux, sonnaient comme un reproche. Les mains d'Archael étaient fatiguées, abîmées, blessées par la bataille. On y percevait des traces de brûlures, des coupures… C'était les mains d'un combattant.
Et pour la première fois, Lossëhelin se sentit honteux de sa conduite lâche et égoïste. Les mains de l'elfe étaient vierges de toute meurtrissure. Pas une parcelle de sa peau ne pouvait laisser penser qu'il avait combattu. Cruelles retrouvailles entre un blessé et un lâche! L'ange ne pouvait que s'apercevoir de l'état de Lossëhelin. Un trop bon état pour quelqu'un qui aurait du se battre.
Peut-être aurait-il du être avec eux, ces nuits-là. Peut-être aurait-il du user ses mains sur le fer des armes, user son souffle dans la fureur de la bataille, perdre son sang pour en protéger un autre…
L'elfe ferma les yeux et pinça les lèvres. Que répondre? Il n'y avait rien à répondre. Sans doute l'ange n'attendait-il pas de réponse. Non, la preuve, il reprenait déjà la parole. En une phrase, il avait fait basculer l'elfe dans le doute. Quel effet allaient avoir ses paroles à présent?


"Je pensais que j'avais tout perdu ... Quand cette tour était au milieu de l'ouragan, je pensais que plus rien n'avait d'importance, même le goût et l'énergie de vivre. Mais les notes de ton chant m'ont poursuivi et m'ont gardé debout. Si je suis encore en vie aujourd'hui, c'est à toi que je le dois."

L'elfe rouvrit les yeux brusquement, interloqué. Dire qu'il ne s'attendait pas à ça était le plus bel euphémisme jamais prononcé. Il ouvrit la bouche, balbutia quelques onomatopées inintelligibles.
L'ange ne le jugeait pas. Ses mains, ils ne les avaient pas présentées pour les comparer aux siennes. Il ne l'accusait pas de lâcheté, ni d'égoïsme. Il ne l'accusait de rien, il le remerciait. En quelques mots, il lui avait fait connaître les doutes cruels. L'instant d'après, il les effaçait avec une innocence surprenante. Sa voix, brisée par les cris, glissante en un murmure, en rappelait une autre. Trois promesses. Sourire, apprendre et vivre.
Vivre et ne pas se laisser happer par la folie des autres. Vivre et ne pas prendre de vies.
"Vis pour ceux qui auront besoin de voir une vie préservée. Vis pour redonner l'espoir à ceux qui auront vu la mort."
Il avait tenu sa promesse, de manière bien plus exemplaire qu'il ne l'avait espéré. Mais, connaissant Arcamenel, il était capable d'avoir prévu tout cela…

Ces mains…
Ses mains, il les lui avait montrées pour témoigner d'une douleur que Lossëhelin connaissait bien.
"Je pensais avoir tout perdu…"
Qu'avait-il perdu pour que tout perde son importance? Cette question, il ne la poserait pas. C'était inutile, c'était raviver une douleur en faisant preuve d'un manque de tact digne d'un poissonnier. Mais il comprenait. Ca suffisait.

"Mais les notes de ton chant m'ont poursuivi et m'ont gardé debout."
Le Chant des âmes. La mélodie qu'il avait fait résonner, inlassablement, dans l'infirmerie. Cette mélodie qui apportait le repos à ceux qui voulaient l'entendre. Consciemment ou pas, Archael avait voulu vivre. Et son âme avait écouté.
Un grand sourire vint éclairer le visage de l'elfe. Il était gêné des remerciements de l'ange, il ne voulait pas qu'Archael s'incline devant lui, mais la joie qui inondait son cœur était bien plus grande que ces deux sensations si dérisoires. Il l'avait aidé. Il lui avait été utile, ne serait-ce qu'un peu. Il l'avait aidé à s'apaiser et à revenir.
Sa voix avait atteint son âme…
Il sentit son cœur battre la chamade tandis que l'ange passait doucement ses doigts sur la pierre fragile de la muraille.


"Je suis vraiment heureux de vous revoir en vie…"

Une cloche qui sonne. Un son, pourtant si insignifiant, qu'en temps normal, Loss n'y aurait même pas fait attention. La vie reprenait ses droit après la bataille mais ce n'est pas cela qui frappa l'elfe.
La sensation qui l'atteignit disparut avant même qu'il n'en prenne vraiment conscience. Il sursauta, et regarda autours de lui, un peu perdu, avant de poser de nouveau les yeux sur l'ange. Cette sensation, il l'avait déjà rencontrée. C'était quelque chose de diffus et confus. Quelque chose que l'atteignait plus profondément que n'importe qu'elle sensation qu'il avait connu jusqu'alors. Quelque chose de léger mais de présent, qui s'était évanouit en un instant. Il soupira. Fugace sensation d'un esprit troublé, sans doute.


"Où manges-tu ce midi?"

L'elfe ouvrait la bouche pour répondre lorsque la sensation le saisit de nouveau. Cette fois, elle persista un instant de plus. Tout juste le temps de l'apercevoir, et elle s'effaçait.
Oui, il l'avait déjà rencontrée, cette sensation. Le premier jour, dès l'instant où il avait pénétré dans la cité. Ce jour-là également, elle a disparu très vite. Ce jour-là, elle était plus puissante et agressive.
Cette sensation, elle provenait de l'ange. Une odeur sans parfum. Un effluve de vent. Le grésillement d'un éclair inexistant. La lumière d'une bougie déjà éteinte…
Loss en avait oublié la question que venait de lui poser l'ange.


"Ah…"

L'elfe pencha légèrement la tête et observa à l'homme en face de lui.

"Vous l'avez retrouvé, n'est-ce pas?..."

"Car même s'il ne subsiste qu'une simple flamme, elle brillera en toi, et les gens verront…"

"…votre sourire…"
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyMar 4 Sep 2007 - 11:46

Un brusque coup de vent vient heurter la tour.

Cette fois, le printemps est réellement revenu. Les Calendriers de la Cité l'indiquaient pourtant. C'est au début de mars, mentionneront plus tard les Archives, qu'Elament subit l'attaque menée par Apharez Sycan. Mais jusqu'à présent, on ne l'avait pas senti. L'air était encore froid, empreint de maléfices. A présent, tout est consommé - et déjà la nature s'est remise. Plus rapide que les enfants des hommes, les vents nouveaux-nés sont là. C'est une brise forte et joyeuse qui flotte ce matin, et sous sa danse, toute la tour résonne comme un bourdon de cathédrale.

Là-haut, Archael est resté assis sur la pierre. Il a attendu que le vent se taise. Puis, tranquillement, il a répondu à l'adolescent.


"Une bougie n'a qu'une petite flamme, mais elle peut en rallumer mille autres ..."

Peut-être une autre voix, aujourd'hui réduite au silence par la mort, avait-elle jadis prononcé ces mots tirés d'une vieille fable elfique. Ou peut-être pas, car les Elfes sont dispersés et nombreux sont leurs clans. Mais savait-il, l'ange aux ailes de cristal, à quel point ses mots ressemblaient à ce qu'aurait dit un autre professeur, autrefois? Non, il l'ignorait - jamais il n'avait rencontré Arcamenel. L'histoire des gens n'est pas aussi simple.

C'était juste comme cela. Tout simplement.

Avec une petite grimace, l'ange porta la main à sa poitrine. Il n'aurait pas dû remonter la Tour aussi rapidement avant d'être guéri, surtout avec le travail qui l'attendait les jours à venir. Pourtant, il ne le regrettait pas. Pas malgré tous ces cadavres et les douloureuses cicatrices que cela rouvrait au corps et au coeur. Il n'avait pas envie de redescendre dans la puanteur d'en-bas, de retrouver des gens soucieux et la lourde charge des responsabilités. Avec la mort de Layna et la disparition de deux professeurs, l'avenir allait être chargé. Là-haut, il y avait la solitude et les morts, mais aussi les deux seules compagnies qu'il se sentait d'humeur à supporter : un sourire et un souffle de vent.

Péniblement, il se leva et alla s'accouder au parapet.


"Vois-tu? Cette Tour est bien abîmée ... mais d'habitude, on n'y entend que le silence, on n'y voit que le ciel. J'aime ça."

Les yeux d'Archael croisèrent un instant l'étendue au-dessus d'eux - saphir sur océan. Puis vinrent à nouveau fixer sur Loss. Au vent, les cheveux de l'Elfe ondulent en vaguelettes de cristal. Alors que la rafale de vent s'est tue, un Petit-Vent continue à tourner autour de lui. Autour de son corps, la brise semble devenir des milliers de rubans apprivoisés qui dansent en un ballet, comme elle dansait autour de Lén autrefois. Ce n'est pas comme le vent libre et puissant qui environne parfois Archael. Il est différent, et ce n'est pas étonnant - car chaque Aera possède un Vent, un ami particulier parmi les nombreux seigneurs invisibles du ciel.

Mais seul Loss pourrait connaître vraiment son vent et ses pouvoirs, une fois qu'il en aura pris conscience. Les autres n'en voient qu'une partie infime, et Archael lui-même ne fait pas exception. Le sourire grave, un peu fragile, revient un instant sur les lèvres de l'ange.


"Tu es bien un Aera ... Lossehelin."
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyMer 7 Nov 2007 - 9:02

Les sensations qui atteignaient l'elfe le troublaient.
Tout d'abord, il y avait cette curieuse énergie que semblait dissiper l'ange. Peu à peu, elle se faisait plus présente, plus facile à ressentir. C'était indescriptible, comme une douce énergie qui les entourait, s'éloignait, revenait… Comme des mouvements d'air qu'aurait pu provoquer Archael en battant des ailes, mais l'ange était immobile.
Et puis, il y avait le vent, qui revenait. Comme si un souffle éternel revenait vers eux après s'être éloigné. Ce ne fut que lorsqu'une bourrasque vint heurter la tour que Lossehelin se rendit compte du manque. Il n'y avait pas fait attention jusqu'alors, mais il lui semblait à présent que le vent s'était tu. Longtemps, ou bien un court instant, il ne saurait le dire. L'important, c'était qu'il soit de retour…
Et avec lui, les odeurs. Le printemps. C'était si doux. Loss avait toujours, aussi loin qu'il s'en souvienne, ressenti le passage des saisons par les odeurs. L'odeur de la neige qui n'était pas encore tombée, l'odeur de la chaleur estivale, l'odeur de la pluie qui se préparait, ou encore celle des bourgeons à peine éclos qui dispersaient déjà leur pollen… Toutes ces odeurs étaient d'ailleurs souvent en décalage avec les saisons temporelles ; il lui arrivait de sentir le froid de l'hiver à la mi-septembre, l'espace d'un instant, comme un bref aperçu du temps à venir. Mais là, c'était permanent, c'était quelque chose de presque palpable. Le froid et les tristesses, les courants frais et les couleurs de l'hiver disparaissaient.

Lossehelin s'ouvrait totalement à ces sensations, ces odeurs. Un doux sourire s'était figé sur son visage et, les yeux mi-clos, il sursauta lorsque la voix de l'ange se fit de nouveau entendre. Il s'aperçut alors qu'une fois encore, il s'était laissé emporté à des lieux du présent.


"Une bougie n'a qu'une petite flamme, mais elle peut en rallumer mille autres ..."

Peut-être était-ce aussi pour cela que l'ange était si spécial aux yeux de Loss. En cet instant, il lui rappelait Arcamenel.
Certes, ils étaient très différents. Par leur physique, par leurs éléments ; pourtant, ils dégageaient quelque chose de semblable. Cette douceur…peut-être un impression de faiblesse semblable. Enfin, Loss savait qu'ils n'étaient pas faible, ni l'un ni l'autre, bien entendu. Mais… quelque chose.
Et enfin, cette phrase… cela l'avait surpris. Il resta figé un instant, sans savoir comment réagir. Sans doute était-ce le fruit du hasard?

Toujours était-il que la mémoire d'Arcamenel ne s'en faisait que plus présente dans le cœur de Loss, en une douleur mêlée de douceur, de légèreté. L'elfe considérait que son ancien professeur, bien que mort, était toujours présent, d'une certaine façon, près de lui. Et en cet instant, cette présence se faisait plus forte.
Lossehelin se sentait merveilleusement bien, au sommet de cette tour, entouré des odeurs du printemps qui effaçaient celle, cruelle, de la mort, entouré aussi du vent, un vent léger qui se cessait de souffler…


"Vois-tu? Cette Tour est bien abîmée ... mais d'habitude, on n'y entend que le silence, on n'y voit que le ciel. J'aime ça."

Oui, il voyait, et lui aussi appréciait ce lieu. Par sa hauteur, la proximité des cieux et des grands vents qui les agitaient. Par sa situation, comme au cœur des choses. Tout l'atteignaient, mais comme étouffé, comme s'il ne s'agissait que des murmures de la vie qui les entouraient, les ombres d'une réalité qui s'étendait à l'infini tout autour d'eux…
Le silence… ils étaient si loin de tout, Loss ne doutait pas que, dans les jours où la ville était calme, rien ne venait heurter le doux silence qui régnait en maître sur la Tour. Lorsque la fureur des combats se sera définitivement éteinte, le silence se fera, total.
L'elfe n'avait aucune envie de quitter cette tour…

Il était si bien. Une légère bise venait lui effleurer le visage, ébouriffant ses cheveux. Archael, à ses côtés, souriait lui aussi. Cela lui allait bien de sourire. C'était un sourire étrange, et si fragile qu'il pouvait se volatiliser en un instant. Mais sans doute est-ce une caractéristique des sourires, être éphémère. Ephémère et à la fois éternel. Lossehelin ne savait pas vraiment pourquoi la vision d'une jeune fille blonde courant derrière un lapin en redingote lui vint à l'esprit tandis qu'il réfléchissait aux possibilités qu'offraient les sourires, mais elle s'effaça très vite, tandis que l'ange prenait une nouvelle fois la parole.


"Tu es bien un Aera ... Lossehelin."

Sans que son sourire s'estompe, l'elfe se sentit rougir. Comment Archael pouvait-il dire cela? Loss était totalement incapable de contrôler son élément, il n'avait jamais su maîtriser les vents comme le professeur de l'air devait le faire. Il se sentait si petit, face à une telle puissance! Lui, un Aera? Il aimait l'air, la douceur de la bise qui, un instant plus tôt, caressait sa peau. Mais voilà : la bise s'était essoufflée, et il n'avait pas le pouvoir de la faire revenir…

"En ce cas… je dois être un bien piètre Aera, professeur Archael. Je ne contrôle pas les vents, ils me sont étranger. Je ne suis qu'un spectateur du doux ballet des airs…"

Ses derniers mots étaient emprunt d'une sorte de mélancolie, de nostalgie. Son sourire s'était fait rêveur, ses yeux se perdirent un instant dans l'immensité du ciel qui s'étendait devant lui. Il aimait les vents, il admirait leur beauté ; mais comment prétendre les contrôler? Pour lui, les vents étaient vivants, ils avaient une volonté propre et ne pouvaient souffrir que l'on cherche à les maîtriser, les enchaîner.
Et quand bien même cela fut possible, ce n'était pas lui et son corps si frêle qui en seraient capables…
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MessageDécouverte d'un linceul de pierre et de sang (PV Archael) EmptyLun 26 Nov 2007 - 14:11

Accoudé au parapet, l'Ange tendit la main. Dans un tourbillon de feuilles mortes, le vent vint s'enrouler autour de sa main, comme un compagnon familier qu'on caresse. Comme une présence invisible, il monta le long du bras, vint secouer les mèches blanches comme un chat viendrait se frotter à vous. Il s'enroula autour d'Archael, poussa une pointe vers Lossehelin. C'éait étrange, car tout à coup, quand on l'observait bien, le vent semblait non plus une force naturelle, mais quelque chose de vivant, qui n'avait peut-être pas véritablement de conscience, mais doué inconstestablement de vie.

Puis soudain, dans un puissant appel d'air, le vent s'en alla. Abandonnant celui qu'il avait reconnu comme un ami et le jeune homme qu'il avait en quelque sorte flairé. Peut-être un autre grand souffle était-t-il passé non loin de là, un Vent dominant, un Seigneur de l'Air rapellant ses enfants ... Ou peut-être ce qu'on venait de sentir un jeune vent, curieux de se mêler à toutes les choses de ce monde, et qui avait été distrait par autre chose dans le grand bleu du ciel. Qui sait?

Toujours est-il qu'on vit la main d'Archael se lever comme un réflexe, avant de retomber lentement, à regret. Sans doute aurait-il voulu retenir ce souffle, lui qui les aimait tant, ces voyageurs de l'air. Parler avec lui, sans mots, juste par le biais de la magie partagée, apprendre ce qu'il avait parcouru, d'où venait-il, quelles étaient les nouvelles du ciel ...


"Le vent n'obéit à personne et nul ne peut les contrôler" s'éleva la voix rêveuse de l'Ange, alors qu'il regardait encore vers l'est, comme s'il espérait voir la petite brise revenir. "Nous ne pouvons que les sculpter, les guider. Nous ne faisons que leur prêter notre volonté, notre joie, notre colère ... mais les plus piètres des Aeras sont ceux qui essaient de les dompter de force."

Le regard lumineux se tourna vers l'Elfe, comme un signal.

"Tu n'es pas un inconnu pour eux. Par ton don, tu es de leur famille et de leur race. Jamais ils ne viennent "respirer" quelqu'un s'ils ne le reconnaissent pas comme du même rang. Peut-être même as-tu un vent précis comme compagnon, un entre tous qui t'a choisi depuis ta naissance. Peut-être t'a-t-il suivi de loin, attendant juste que tu l'apelles - mais tu ne connais pas encore leur langue."

Un instant, l'Ange ferma les yeux. C'était des choses si simples et pourtant si difficiles à exprimer. Comment décrire la relation d'un magicien avec son elément, et surtout celle d'un Aera avec le vent? C'était des sensations qui n'avaient pas de mots pour les décrire.

La vibration exaltante du vent matinal, encore trou frais de la nuit et des longs voyages sous les étoiles. Les visions fugitives et magnifiques quand on mêlait son esprit au vent lui-même, la chaleur des simons du désert qui vous donnaient envie de courir sans fin ... et cette violence qui s'empârait de votre âme, quand vous étiez debout dans la tempête au Falaises de Fëlt : car alors vous n'êtes plus vous-mêmes, vous êtes la rafale qui souffle sur les vagues, l'éclair qui grésille et gronde, la grande voix qui hurle sur les flots en furie ... puis voler en leur compagnie au-dessus des Cathédrales de Nuages, communier avec le peuple du ciel tout entier, et ce bonheur doux et intense de recevoir à jamais son sceau et sa confiance.

Et puis il y avaient ces Aeras comme Lén, auquel un vent choisissait de s'attacher personellement. Ils n'étaient pas autant attirés par l'immensité du ciel libre, avaient souvent toujours la même brise invisible autour d'eux, comme Lén Tannier jadis. Un compagnon, un ami, un autre soi-même. Décrire cela, c'était encore moins possible. Lui n'avait pas connu cela - il avait volé avec tellement des vents depuis qu'il parcourait le monde, connu et côtoyé tellement de seigneurs de l'air ... et puis, chaque Aera était différent.

Il fallait ressentir ces choses, rien de plus, rien de moins ... parce que c'était un trésor trop précieux pour être dit avec des mots. Peut-être est-ce cela qui amena ces mots sur les lèvres d'Archael, avant qu'il aie même réalisé ce qu'il disait.


"Veux-tu l'apprendre?"
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