Lorelaï était assise dans l'herbe, guettant avidement quelque changement dans l'état de l'elfe . Oui, elle le connaissait... Il avait accompagné ses premiers apprentissages jusqu'à son départ... il lui avait appris tout ce qu'elle savait, de l'écriture de base jusqu'aux savoirs les plus redoutables. Il lui avait appris à reconnaitre les changements dans la nature, le mouvement des astres, la création d'une potion... tout...

" Oui... c'est pour lui qu'on a fait ce voyage... tu as devant toi mon mentor...L'elfe le plus érudit qui soit... "

Des larmes se mirent à couler sur ses joues, mais elle ne les sentit pas...Elle avait peur qu'il meure... Même si elle avait quitté la Cité, elle aimait encore cet endroit. C'était son enfance, sa terre d'adoption, les lieux qui l'avaient vu grandir et les gens qui l'avaient aimé assez, malgré sa différence, pour lui donner le meilleur d'eux-mêmes.

Elle regarda Archaël dans les yeux, d'un regard intense et vrai:

" Je suis désolée, Archaël, je ne fais que pleurer depuis le début de ce voyage, et pourtant , je n'ai pas l'habitude d'être une pleurnicharde... une princesse doit être forte en tout temps... pardonne-moi..."

L'écureuil passa alors du cou du Sage à sa poitrine ou il se coucha, et le trio assista alors à un moment grandiose. Une intense lumière blanche, aveuglante, se forma autour de la petite bête. Elle s'intensifia peu à peu, prenant de plus en plus d'espace. L'écureuil faiblissait à vue d'oeil alors que l'elfe prenait des couleurs. Et d'un coup sec, comme ça avait commencé, la lumière disparut, laissant les spectacteurs ahuris... et plus encore quand le Sage ouvrit les yeux, prit l'écureuil au creux de son coude et s'assit.

Lorelaï ouvrit la bouche, la mâchoire pendante, mais aucun son n'en sortit.

" Bien le bonjour, miss Elandhil... bien le bonjour, maître Archaël..."

Il hocha la tête et partit d'un grand rire franc:

" Je crois que je vous dois quelques explications... La bête que vous voyez ici se nomme Sarik. Il est mon plus fidèle compagnon... et mon sauveur... j'ai pu échapper à l'attaque de ces démons en transposant mon âme dans le corps de mon compagnon. Quand mon corps a faibli, je l'ai mis en transe, mais pour pouvoir y revenir, je devais le quitter, sinon, mon âme aurait aussi .été endormi... et tout le monde mort, personne ne pouvait venir à mon aide... Merci Maître Archaël de m'avoir repéré... votre aide a accéléré mon retour... et Miss Lorelaï, vos soins patients vont accélérer ma guérison... Maintenant, à votre tour de m'expliquer votre présence ici... ainsi que celle de cette enfant... "

Le maître de Lorelaï. Celui qu'ils étaient venus voir, le Sage de la Cité Cachée. Ironie du sort, il était probablement le seul à avoir survécu ... avec Maehli bien sûr. Le bébé était toujours perché dans les bras de l'ange, très occupé à tirer sur ses mèches scintillantes en gazouiillant de contentement. A l'écoute des paroles de Lorelaï, Archael prit le temps de décrocher une toute petite main aggripée à ses cheveux avant de répondre.

"Toutes les larmes ne sont pas un mal ..." finit-il par répondre lentement. "Si tu pleures, c'est pour ceux qui meurent et pour ceux qui ne peuvent plus pleurer."

Peut-être Archael aurait-il ajouté quelque chose, si intense flamboiement de lumière n'était pas venu l'interrompre. Une lueur étonnée passa dans ses yeux bleus. L'écureuil et le sage semblaient se fondre l'un dans l'autre. Et cette clarté si particulière était typique des manipulations de l'esprit et de l'âme ... une magie complexe qui était peu connue, même pour ceux qui connaissaient les arcanes de la magie. Même à Elament, parmi les professeurs, seule Ruby s'y intéressait vraiemnt. Mais il avait entendu dire que certains Terras y excellaient également.

Ainsi, le vieil Elfe était magicien. En transposant son âme dans le corps de l'écureuil, il avait éteint son aura. Même caché au fond de la grotte, il aurait été trouvé par les Démons. Mais une fois l'âme partie, son corps n'émettait plus rien. Il ne se sifférenciait pas d'un cadavre, tout en étant encore en vie. Le problème restait évidemment le retour, pour lequel il était obligé d'attendre une aide extérieure. Mais la manoeuvre était aussi habile que hardie, et rares étaient ceux qui avaient le talent pour accompli un pareil tour de force ... ce Mentor méritait amplement sa réputation.

"Salutations, Sage d'Elandhil" répliqua courtoisement le Trône. "C'est un honneur d'apprendre que mon nom vous est connu. Pour répondre à votre question, Lorelaï a recueilli cette petite dans les décombres. Nous ignorons comment elle a survécu à la destruction."

Comme si elle comprenait que l'on parlait d'elle, l'enfant se mit à gigoter à nouveau. Puis elle aperçut Lorelaï, et oublia aussitôt son porteur pour la réclamer. Archael tendit le bébé à le jeune Elfe et se tourna à nouveau vers le Sage. Son visage avait repris une expression grave.

"La raison de notre présence était de venir chercher aide et conseil. Nous savions que d'ici quelques semaines au mieux, la Cité d'Elament connaîtrait le sort d'Elandhil. Pour repousser l'attaque, nous avions besoins de guerriers, mais aussi de guérisseurs. Je mène des recherches sur le soin par la magie, Lorelaï est l'une des infirmières de notre ville. Sur ses conseils, nous sommes venus voir celui qui lui a tout appris, espérant mettre nos savoirs en commun. Mais je crains que nous n'ayons plus le temps."

D'un geste lourd de sens, le professeur désigné la fumée qui montait des arbres, là où Elandhil finissait de brûler. La guerre avait commencé ... depuis deux nuits, les Démons convergaient droit vers Elament. L'une de leurs immenses armées avait trouvé la Cité Elfique - volontairement ou par hasard, nul ne le saurait jamais. Elle l'avait ravagée puis avait repris sa route vers Elament. Cela faisait un jour déjà. Même avec l'aide de Haji, ils devraient voler sans halte s'ils voulaient revenir à l'Ecole avant que le siège commence. Sinon, ils se retrouveraient bloqués dehors.

Haji n'avait d'ailleurs pas attendu d'être sifflé pour revenir. L'intelligent animal semblait comprendre l'urgence de la situation. Il avait surgi de dessus les arbres et venait de toucher terre à côté d'eux.

"Les Démons ont commencé à bouger plus vite que prévu. Nous devons repartir - et prier les dieux d'arriver à temps. Elandhil est en ruines : nous emmènerons Maehli en sûreté, et vous aussi si vous acceptez de nous accompagner."

La Sage accepta l'invitation... il n'avait plus rien à faire dans la Cité Elfique, et les Elamentiens avaient besoin de lui. Il suivit donc Lorelaï sur le dos d'Haji. Elle attachait la petite sur sa poitrine et ses sacoches à la selle de sa monture. Tout comme elle, il était nerveux de grimper là. Avant de décoller, il appella son écureuil. Sarik accourut et sauta sur les genoux de son mâitre.

Lorelaï, sa tâche terminée, tourna un regard confiant, bien différent de celui qu'elle avait le matin même, vers son ami.

" Allons-y!"

Plus rien ne la préoccupait que la survie du poupon logé dans ses bras, et la défense de la Cité qui l'avait adopté, logé et nourri, la faisant renaître après sa fuite.

Haji décolla sitôt qu'il vit Archaël faire de même et le suivit docilement. Ils filaient en ligne droite, volant le plus vite possible. Plus personne ne parlait, il fallait faire vite et doubler les démons.

Le vieux Sage s'accrochait à la taille de Lorelaï pour ne pas regarder en bas alors que l'Elfe de Lune, plongée dans ses pensées, réfléchissait déjà à la bataille et aux soins des blessés.

Ils avait parcouru le quart du chemin à grande vitesse quand Lorelaï appercut en bas une masse grouillante: les démons. Valaient-ils mieux se cacher, ou passer innocemment par-dessus eux? Que leur feraient-ils s'ils les voyaient?

Ils étaient nombreux, leur noirceur s'étendant en plusieurs branches, ils venaient de tout les cotés... et ils étaient presque sur eux.

" ARCHAËL" pensa-t-elle, très fort,espérant rétablir le lien qu'il avait crée entre eux tôt...

" Regarde en bas, regarde en bas, se répétait-elle frénétiquement. "

Elle avait confiance en son jugement et savait qu'il saurait quoi faire. Derrière elle, le Sage avait remarqué aussi l'avancement des troupes maléfiques et concoctait déjà un plan.

" Ton ami doit se rapprocher de nous..."

Il tendit les mains, se raccrochant à la selle de ses genoux serrés l'un vers l'autre, et murmura:

" Tsaï gayvik num!"

Aussitôt, une bulle bleuté les enveloppa et accéléra leur vitesse.

" Invisibilité....murmura Lorelaï, je sais faire tout ça... mais je n'y pense jamais...quel gâchis..."

Désolé pour ce très long retard


C'est une nuit chaude ... étonnament chaude pour la saison. L'air est lourd, ne procurant ni fraîcheur ni réel repos, juste une lourde torpeur qui alourdit les membrs et l'esprit. C'est comme une chape de plomb qui vous tombe sur les épaules, vous fait cligner des yeux et dodeliner de la tête, avant de vous plonger dans un sommeil sans rêve. Le lendemain, vous vous réveillerez fatigué, las, avec l'impression de ne pas vous être reposé.

Cette nuit, quelque part, les sorciers se sont mis à l'oeuvre. Nemrodus, l'âme damnée d'Apharez, a répandu ses Sorciers partout dans le pays ces dernières semaines. Cette nuit, sous la Lune Rouge, tous sont à l'oeuvre. Ils ont couvert le ciel de nuées et insufflé le sommeil au coeur des hommes, pour permettre à leurs troupes de se regrouper, vite, plus vite, encore plus vite ...

Haut dans le Ciel, nous sommes à l'abri des miasmes dangereux de la sorcellerie. Le sommeil ne nous atteindra pas, et même la fragile Maehli ne semble pas affectée par la toile de maléfices tendue sur le pays. Pourtant, nous ne sommes pas à l'abri ... devant le groupe, un ange aux ailes lactées fend l'air, et ses yeux bleus étrécis, scrutent la pénombre avec méfiance.

** J'ai vu ... ** répond-il brièvement à Lorelaï, de son toucher mental si particulier, doux et lointain. ** Ils sont nombreux, mais ce ne sont pas eux que nous devrons craindre. **

Le vent soufle dans les cheveux de tous. Haji le hume et laisse échapper un discret grondement. Il partage l'inquiétude de l'Ange ... car non, ce ne sont pas ces masses grouillantes qui seraient capables de percer la protection que donne la hauteur de leur vol, et le sortilège que le Sage vient de tisser. Non ... ceux qui sont dangereux sont d'une aurte essence.

Ecoutez ... la bise moite de cette nuit est devenue plus froide, quand elle souffle de l'Est. On y sent quelque chose de vaguement malveillant. Parfois, elle semble devenir plus proche, et glisser sur le sortilège du vieil Elfe. Alors on sent quelque chose de sombre et de mortel vous glacer, une volonté obscure, qui tâtonne et qui cherche aveuglément ... et à chaque fois elle semble plus proche, plus insidieuse. Maintenir le bouclier est plus dur. Fatalement, ils seront découverts tôt ou tard, et en cette nuit, pas d'aide possible tant qu'ils ne sont pas revenus près de la Cité.

... les Démons n'attaqueront point de villes comme les nuits dernières, mais ils se masseront en direction d'Elament la Forteresse, de leurs cohortes grouillantes. Nul chien de garde ne hurlera sous les étoiles : ils dorment, le ventre sur la pierre fraîche des cours. Nulle sentinelle ne sonnera l'alarme, sommeillant sur les murailles ... le lion même reste dans son antre, grondant sourdement, car la forêt se peuplent d'ombres mouvante, et le serpent dort sous la pierre! Ô nuit de folie...

Finalement, le Trône lève la main, et Haji s'arrête. Leur guide revient vers eux, sourcils froncés, ses yeux bleu presque gris dans le clair-obscur qi tombe des nuages.

"Il y a des sorciers quelque part. Ils ont senti que nous n'étions pas des leurs, et ils nous cherchent. Leurs esprits sont nombreux, et il y a quelqu'un de puissant qui les dirige tous, loin d'ici. Nous ne pourrons pas leur échapper assez longtemps. A ce rythme, nous arriverons chez nous avec une armée de démons volants aux trousses - alors, écoutez-moi bien. Je vais rejoindre Elament par une autre route, sans me cacher."

Pendant une seconde, les autres sont restés bouche bée. Puis leurs bouches s'ouvrent, ils s'agitent, il va être interrompu ; alors il lève la main et force un peu la voix.

"Non - Lorelaï, je veux que tu m'écoutes. Ton rôle, c'est de ramener Maehli et ton mentor à la Cité. Le mien, c'est de faire en sorte que tu le puisses. Alors cette fois encore, fais-moi confiance."

Pour la première fois depuis le début du voyage, Archael n'a pas cherché à éviter les yeux de l'infirmière. Ses prunelles la fixent en face. Ils ont toujours ce calme qui rassure - et ce qu'ils ont perdu en douceur ces derniers temps, ils l'ont gagné en détermination. Devant ces yeux, toute volonté de protester s'envole, noyée dans le bleu profond du lapis-lazuli. Puis un léger sourire éclaire le visage trop sérieux, tandsiq qu'il ajoute simplement :

"Aucun Kîsh ni aucun Chiropteran ne peut me rattraper. Et ils n'ont aucun intérêt à livrer une bataille magique et réveiller toute la région. Je ne risque rien, sauf de tarder un peu en détours pour les semer. Allez ... il faut faire vite à présent. Haji, que tes ailes soient promptes, et bonne chance."

Peu après, dans le ciel noir, une nouvelle étoile semble naître. Soudain, elle bouge et se dirige vers le Sud, telle une comète pâle. Archael ne se vantait pas. Les ailes griffues des vampyrs, les robes volantes des sorciers noirs ne peuvent rivaliser avec les peuples de l'Air. Drapé dans son aura lumineuse, l'Ange a déployé ses ailes à fond. La grande voilure de plume se tend et recueille le vent de la course. La magie des antiques Seigneurs de l'Air tournoie, siffle et danse ... entre les deux grandes voiles claires, elle chevauche les rayons de lune et change l'ange d'argent en étoile filante ...