La Chapelle...

La Chapelle était déserte. Depuis quelques jours, ce n'était pas l'activité humaine qui avait usé les pavés du Q.G. des "collectionneurs d'écorces". La lumière dessinaient des ombres étranges au travers des vitraux colorés, il faisait froid, humide. Le silence régnait comme jamais. Les rues étaient calmes et la « chapelle » ne faisait que résonner l’écho de la respiration des pierres. Pas même un soupir ou une brise paisible ne venait perturber les lieux sacrés. Ce temple étrange s’imposait par son antique grâce. Les bancs de bois déserts s’alignaient les uns derrière les autres. Le chœur dominait, impérial, lumineux. Les statues semblaient observer leur maison dans la plus grande sérénité, comme prêt à dégainer leurs lourdes et sublimes épées de marbre sous la gorge des pillards qui oserait poser un pas importun sur le sol glacé. Pourtant, le silence se vit perturber par un lourd grincement, la poussière prit un envol théâtral et se glissa en virevoltant joyeusement sur les tapis persans qui recouvrait le sol de l’autel. Le mur de pierre qui contenait en son alcôve la représentation d’une divinité aujourd’hui inconnue pivotait sur elle-même. La statue disparue, s’effaça pour laisser apparaître une fine silhouette.
Une jeune femme à la tignasse rousse et mal coiffée entra. Elle jeta un coup d’œil admiratif tout autour d’elle en soupirant. Ses bottines en cuir souillées par la terre et usées par les années lancèrent une mélodie rythmée au travers de la nef. Sa longue robe pourpre ondulait à chacun de ses pas tout en dévoilant tour à tour l’une de ses chevilles lacées. Son chemisier écru se cachait sous son tablier brodé. Elle s’avança jusqu’à l’hôtel et posa ses yeux plein de vie et rieurs sur le marbre somptueux de l’autel. Une pile de papyrus y était posée, elle la saisit et parcouru rapidement l’ensemble des gribouillis qui les recouvrait. L’un sembla attirer son attention et elle le dégagea soigneusement de l’ensemble de la paperasse qui lui faisait face. Nonchalamment, elle s’assit dans un immense siège de velours rouge en lisant. Nerveusement elle entortilla une mèche de ses cheveux auburn autour de son index. Un sourire se dessina sur ses lèvres.

Cela faisait plusieurs années que Mahaut se livrait à ce jeu de cache-cache. « Le Renard », ainsi l’appelait-on, elle et ses deux Co-équipiers mystérieux. Oui, Mahaut était une voleuse, une manipulatrice, l’organisatrice et créatrice de ce que considérait comme les hauts Elamentiens de « voleurs ». La Guilde des Voleurs… Mahaut avait subit et traversé bien des épreuves de par le passé et elle savait, en arrivant dans cette bénite cité, que les choses ne changeraient pas. Elle serait la victime si elle n’apprenait pas à faire face à ceux qui étaient prêts à tout pour rabaisser une femme comme elle, mère célibataire, paysanne, pauvre avec un passé d’esclave et de prostituée à son actif. En posant ses marques dans la cité des éléments, elle avait décidé de redresser la tête. Ainsi, elle avait créé son élite illégale. Les faibles avaient leur mot à dire, et tant qu’ils ne seraient pas justement entendu, elle s’était promis de se battre. Ici n’était pas le pire endroit du monde, mais comme partout ailleurs, les inégalités et les injustices subsistaient. Et elle ne cesserait cette mascarade que lorsque la toute puissante Ruby ne ferait rien en leur faveur.

Elle tenait dans ses mains des bombes à retardement, des plans d’attaques, de pillages pour renflouer les bourses des plus démunis. Surtout un… on avait entendu dire en ville qu’un chargement d’armes arrivait pour renforcer l’enseignement des élèves de l’arène. Un nouveau professeur d’armes, nommé Vega, était arrivé en ville. Avec lui se déployaient de nouveaux moyens pour combattre les démons.
Après la guerre sans merci que la cité avait livré contre les démons, les habitants étaient plus méfiants et terrorisés par la menace et de plus en plus de jeunes garçons allaient apprendre à se battre pour défendre leurs familles. Cela révulsait Mahaut. Par le passé, de nombreux êtres et créatures maléfiques avaient vécus à ses côtés sans jamais l’offenser ou la blesser. Certains d’entre eux étaient même nés à Elament. Du jour au lendemain ils avaient été boutés hors des murs de l’Eldorado de Layna. Sans autre raison que la menace « potentielle » qu’ils représentaient. Des démons innocents.
Mahaut était choquée, révulsée. D’ailleurs, sa petite maison de « collectionneurs » étaient composées de démons. Et ils étaient pour la plupart bien plus disciplinés et actifs que les autres créatures.

Oui, la jeune femme avait un plan d’attaque bien dessiné dans sa tête. En volant le stock d’armes, elle représenterait une menace supplémentaires face aux autorités de la cité…
Ne restait qu’à en parler aux autres gourous de cette petite secte bienveillantes…